Pour vous, nous avons tout testé, ou presque... Peut être pas dans toutes les conditions, certes. Mais on va essayer de vous faire partager de notre petite expérience d'un mois de voyage en train à travers le Rajasthan. Des trains pas comme les autres...

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Tout d'abord, petite mise au point : le train en Inde, ce sont près de 15 millions de voyageurs par jour, des milliers de trains (11000 selon le routard...) traversant l'ensemble du pays grâce à un maillage particulièrement efficace. La compagnie des chemins de fer (IRCTC), c'est aussi le premier employeur en Inde : il faut dire qu'il en faut du monde pour faire tourner cette grosse machine (dans les gares, les trains... et il y a encore des garde-barrières, puisque les passages à niveau sont pour la plupart manuels...). Voilà, ça c'est dit.

Jetons maintenant un coup d'oeil aux différentes classes. En voiture, s'il vous plaît. Vous l'aurez compris, il existe plusieurs classes différentes dans les trains indiens, en fonction de leur confort, et du prix, bien entendu. Voici ce que vous pourrez trouver :

Le Second Class Sitting (ou General class ) : c'est la classe populaire. Basique, spartiate, inconfortable voire insoutenable selon les situations. Il s'agit de compartiments ouverts (pas de portes), pour 8 personnes (théoriquement), avec des banquettes en position assise. Nous ne l'avons utilisée qu'une seule fois, pour un court trajet (1 heure, entre Agra et Fatehpur Sikri). Selon les échos que nous avons eus, les longs voyages peuvent être très très éprouvants. Surtout si vous voyagez seul avec personne pour surveiller vos bagages durant une envie pressante. Sur certaines lignes, vous ne voyagerez sans doute pas assis, et parfois même vous ne serez pas vraiment « dans » le train (accroché à l'indienne...). A noter qu'il n'y a pas de réservation pour cette catégorie : les billets se prennent le jour même au guichet de la gare. C'est parfois un peu chaotique, surtout à la dernière minute (les billets se vendent encore lorsque le train a démarré... Cours, Forrest !). Les tarifs sont imbattables (ex : Agra-Fatehpur Sikri = 6 roupies (10 cts d'euro, contre 25 roupies pour le même trajet en bus...). Une expérience de l'Inde...

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La Sleeper Class (Sleeper ou SL) : Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, la sleeper class désigne indifféremment des trains de jour et de nuit. C'est une catégorie qui reste assez populaire, à notre avis c'est ici que le mélange des genres et le plus parlant. Pas de climatisation, juste trois ventilos au plafond de chaque compartiment prévu pour six (toujours théoriquement) plus deux couchettes dans le couloir (sens de la marche). Ici aussi les compartiments sont ouverts. On a souvent pris cette classe, mais uniquement de jour : il faut dire qu'elle reste très bon marché (voir prix ci-dessous). On a bien aimé ces trajets : nos voisins sont souvent curieux de savoir d'où l'on vient, ce qu'on a visité en Inde et ce qu'on a aimé... Et puis, le gros plus, ce sont les fenêtres ouvertes : on respire le « grand » air ! En tout cas, grâce à ça, on supporte plus facilement la chaleur (pour rappel, on était au Rajasthan au mois d'avril...).

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La Chair Coach (CC) : uniquement pour les trains roulant de jour, c'est une classe qui se rapproche de ce que l'on connait. Il s'agit de voitures climatisées, sans compartiment, où les sièges sont alignés. Trois sièges d'un côté, deux de l'autre. Tous dans le même sens (pas forcément le sens de la marche d'ailleurs...). Rien de particulier, si ce n'est que c'est plus cher que la sleeper class (même prix que l'AC3, voir ci-dessous). Confortable, sans plus.

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La Third Class AC (AC3) : Proche de la sleeper class au niveau du confort (compartiment de six couchettes, plus deux dans le sens de la marche dans le couloir), à la différence qu'il y a la climatisation et que les fenêtres sont fermées. C'est la vraie classe intermédiaire. Vous y croiserez des gens de tous horizons, mais assez « aisés » quand même (l'AC3 coûte généralement le double de la SL), avec généralement un bon niveau d'Anglais (oui, il y a un lien...). Deux fois plus chère que la SL, certes, mais quand même très bon marché (voir exemples ci-dessous). C'est à notre avis la classe à privilégier pour les trajets de nuits, ou par très forte chaleur (mais ne pas oublier sa petite laine, sauf à risquer un bon rhume... parce que la clim' est bien présente !).

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La Second Class AC (AC2) : seule catégorie que nous n'avons pas testée, mais on en a vu ! Encore plus cher que l'AC3, l'AC2 offre un peu plus d'intimité : compartiments de 4 couchettes avec un rideau pour séparer le compartiment du couloir. Pour le reste, c'est pareil que l'AC1, voir ci-après.

La First Class AC (AC1) : Le top des chemins de fer indiens. Compartiment de quatre ou de deux (« coupé ») couchettes. Plus confortables, plus spacieuses, la climatisation, le rideau... et la porte qui se ferme de l'intérieur. La solution la plus sécurisée donc, et la plus confortable. Vous aurez ainsi un agent pour votre voiture, prêt à vous réveiller pour vous annoncer votre arrêt (ce qui ne se fait que rarement dans les autres classes AC, et jamais en Sleeper !). Mais tout cela se paie. Et là différence de prix est très importante (généralement 10 fois plus cher qu'une place en SL, et donc 5 fois plus cher qu'une place en AC3). Franchement, à moins d'être en plein stress, de ne vouloir parler ni même voir personne, ça ne vaut pas le coup. Même pour un long trajet.

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A noter enfin qu'on peut tomber parfois sur des catégories bizarres (ex : First Class non AC, sleeper AC...). Ces catégories sont en voie de disparition semble-t il. Il reste cependant quelques voitures en circulation... Il existe aussi quelques lignes « spéciales » : des trains de luxe. On ne joue plus tout à fait dans la catégorie « moyen de transport ». Ces trains spéciaux font généralement un circuit sur plusieurs jours, un peu sous la forme d'une croisière. Déplacement de nuit, visite des sites le jour. On a oublié le nom de celui qui tourne au Rajasthan. C'est joli, ça fait envie, mais c'est cher... Du luxe, on vous dit.

Côté prix, voici un petit récapitulatif de nos expériences. Les prix sont indiqués en roupies et en euros, pour une personne (et un trajet simple, soit dit en passant...), tarifs d'avril 2011 :
Delhi – Jaïpur en AC3 : 338 roupies (5,50 euros)
Jaïpur – Jodhpur en SL : 171 roupies (3,30 euros)
Jodhpur – Jaisalmer en SL : 168 roupies (3,30 euros)
Jaisalmer – Jodhpur en AC3 : 432 roupies (7 euros)
Jodhpur – Kota en CC : 554 roupies (9 euros)
Bundi – Chittaurgarh en SL : 142 roupies (2,15 euros)
Chittaurgarh – Udaïpur en AC3 : 260 roupies (4,50 euros)
Udaïpur – Agra en AC1 : 1704 roupies (27,70 euros)
Agra – Fatehpur Sikri en General class : 6 roupies (0,10 euro)
Agra – Delhi en SL « tatkal » : 225 roupies (3,50 euros) dont 75 roupies sup. Tatkal

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Du côté de l'achat des billets, nous avons misé sur la simplicité : internet. Même s'il existe différentes façons d'obtenir ses billets. Nous allons tenter de synthétiser...
La solution la plus naturelle tout d'abord : acheter son billet au guichet. Selon la gare, cela peut être long et un peu tendu : il faut aller vite, bien comprendre les différentes étapes (récupérer un formulaire de résa, le remplir avec si possible toute les données concernant le train que l'on souhaite prendre, et le présenter au guichetier en espérant qu'il y ait de la place disponible...), et ne pas se faire doubler dans la file d'attente, ce qui relève de l'exploit (mieux vaut s'agripper au gars qui vous précède, façon chenille...). C'est quand même faisable dès lors que l'on a les éléments nécessaires (n° de train notamment). Pour rappel, en « second class sitting », pas de réservation, juste un bon vieux pogo devant les guichets idoines...
Autres solutions : le tourist office (bureau touristique) de la gare de New Delhi (New Delhi Station, ou NDLS pour les initiés...). Pas aussi simple à trouver que tout le monde nous le disait... Quand on entre dans la gare, côté métro, le bureau est au rez-de-chaussée, sur la gauche. Près des toilettes et du service des consignes (cloack room). On y a fait un saut à notre arrivée à Delhi, mais on n'était pas encore chaud ! Et puis on cherchait le fameux « Time at a glance », le cahier regroupant tous les horaires et tarifs des trains express, sésame indispensable pour espérer réserver un train en gare sans perdre des heures. Ben finalement, nous, on ne l'a jamais trouvé : plus disponible ! Et puis comme on est passé par internet, on n'en avait plus besoin... Enfin bref, vous savez que ce bureau est le plus efficace pour planifier votre itinéraire en Inde du nord, en bénéficiant des quotas touristes à bord des trains... Et oui, les touristes ont leur quota de places dans chaque train (ou au moins dans la plupart !), mais il faut passer par un bureau particulier pour en bénéficier...
Autre solution : passer par une agence de voyage. Il en existe des centaines, des milliers... A vous de faire votre choix. Nous on n'aime pas cette option, pour plein de raisons : on n'a rarement toutes les infos, on ne paye jamais le « juste » prix, on perd en autonomie (« non, mais ce train là, il roule pas, il vaut mieux prendre celui-ci... la Sleeper class, c'est pas pour les touristes... »). On n'a même pas essayé, mais si vous voulez prendre le risque...
Notre solution : internet. Il existe différents sites web dédiés à l'achat de billets de train en Inde. Le site de la compagnie de chemins de fer (un peu bordélique à notre goût), makemytrip.com (qui ne prend pas les cartes bancaires étrangères... bien pratique), et cleartrip.com, que nous avons utilisé dans la majorité des cas. Le principe est simple : un jour, une provenance, une destination. Le site vous sort tous les trains disponibles, avec le prix de chaque classe et le nombre de sièges disponibles. On paye avec une carte visa ou mastercard (possible avec d'autres, à voir...). On reçoit un billet électronique qu'on a plus qu'à présenter au contrôleur dans le train, comme un billet normal. Le service est globalement fiable (même si on a galéré deux trois fois pour pouvoir se connecter, les serveurs étant saturés), avec possibilité de remboursement (on l'a fait une fois, billets annulés en deux clics, et remboursés directement sur le compte en 3 jours ! On perd une partie du prix billet, de l'ordre de 30%, qui correspond au standard de l'IRCTC). Bref, simple et efficace, contre une petite majoration (voir décompte ci-dessous). Nous on a trouvé cela super pratique : sur place, on a ainsi pu définir notre itinéraire avec précision, selon nos envies et en prenant notre temps (en sirotant un shake, accessoirement...). Pour imprimer, pas de réelle difficulté si vous êtes en ville... Hôtels, guest-houses ou cybercafés ont toujours une solution pas trop onéreuse. On recommande vivement.

Calcul de la majoration en passant par internet :
Taxe IRCTC (par personne) : 5 roupies en SL, 10 roupies pour toutes les classes AC.
Taxe Cleartrip (par personne) : 5 roupies en SL, 10 roupies pour toutes les classes AC.
Il faut également ajouter une majoration pour paiement par carte bancaire de 1,8% du montant de la transaction (pour les Visa et Mastercard).
En clair, pour un billet à 200 roupies initialement, vous payez 214 roupies (soit 25 cts d'euro plus cher...).

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Mais tout cela serait presque trop simple ! Quand vous achetez votre billet, il y a différentes situations...
Soit il y a de la place disponible, dans ce cas là aucun problème. Vous avez votre billet, vous vous rendez à la gare un bon quart d'heure avant le départ du train. En voiture Simone...
Soit il n'y a plus de place disponible, et là, il va falloir vous accrochez. En Inde, il y a un système de liste d'attente. En clair, vous achetez votre billet sous réserve que quelqu'un se désiste (vous serez évidemment remboursé si il n'y a pas de désistement...). Le guichetier vous le dira avant le paiement, sauf s'il est malhonnête (mais il n'a aucun intérêt...). Si vous achetez en ligne (cleartrip.com), c'est très clair au moment de la réservation. Par exemple, vous allez avoir un billet avec la mention WL42 : vous êtes 42e sur la liste d'attente (Waiting List). Il va alors falloir suivre l'évolution de cette liste pour savoir si vous pouvez prendre le train ou non. Plus inconfortable comme situation, tu meurs ! Mais heureusement, les guichetiers pourront vous dire si ça passera (ils ont l'habitude). Il existe par ailleurs des sites web qui vous permettent de voir où en est la WL, sans avoir à aller à la gare. Il y a même des tonnes de statistiques (retard des trains au jour le jour, statistiques sur une année...). S'agissant de la Wainting List, sachant qu'on était un peu ric rac dans notre itinéraire, on n'a pas voulu tenter. On a donc pris les trains pour lesquels les places étaient disponibles.
Autres bizarreries : les achats à la dernière minute. Ils peuvent parfois être majorés (ce sont les billets « Tatkal »... il y a un supplément à payer par rapport au billet normal), lorsqu'il s'agit d'une ligne fréquentée.
Il existe aussi d'autres situations, mais on n'a pas testé, et pour tout vous dire, on n'a même pas tout compris (système RAC, sorte de WL de la dernière chance...). Mais ça a l'air vachement marrant, une fois qu'on a compris...

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Côté bagages et sécurité, on a toujours réussi à caser nos gros sacs à dos sous les couchettes du bas, bien coincés. On avait acheté des chaînes sur le quai de la gare, mais on ne s'en est finalement pas servi. Il y a une sorte de confiance réciproque dans chaque compartiment qui fait que les voyageurs surveillent leurs affaires mutuellement. C'est ce qui nous a semblé tout du moins, même si nous avons toujours été vigilants en ne laissant pas nos sacs traîner sans surveillance. Du bon sens donc. Les sacs plus petits étaient toujours à côté de nous, et on n'a jamais eu de problème, même la nuit.

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Autres petites astuces dans le désordre : dans les classes AC, on trouve des prises électriques qui fonctionnent bien dans tous les compartiments (pratique pour les PC...). Elles sont au format universel, donc pas besoin d'adaptateur.
Quelle que soit la classe dans laquelle vous voyagerez de nuit, à partir du moment où il y a couchette, il y a des draps (2 par couchette normalement), une couverture et un oreiller qui vous sont fournis. Pour la nuit uniquement, et c'est à vous de faire votre lit ! Les couchettes sont généralement mis en place en début de soirée, et replacées en position assises le matin... Tout dépendra un peu de vous et de vos voisins de compartiment (les Indiens aiment bien roupiller dans le train... à toute heure de la journée.).
Toujours dans les classes AC, vous trouverez un agent chargé de la restauration qui passera à l'heure des repas pour prendre les commandes puis distribuer de petits plats chauds en alu. Ce n'est pas très cher, et pas trop mal non plus. Cela peut dépanner, surtout si vous ne faîtes pas forcément confiance aux vendeurs des quais...
Avant de monter dans le train, dans les classes nécessitant une réservation (SL et classes AC ou CC), vous pourrez trouver les listes d'affichage en gare ou directement collées sur chaque wagon. Utile pour les flippés qui ont peur jusqu'au bout de se tromper de train.
Au niveau du choix des couchettes (upper, middle, lower, soit haut, milieu et bas, dans le cas où il y a six couchettes par wagon), sachez que la couchette du haut demande un peu d'agilité, et compte tenu de l'arrondi du toit, on perd un peu de place. Les couchettes du bas sont généralement les plus prisées lors des réservations : proches des bagages, faciles d'accès... Mais celles du haut sont également appréciées : on peut s'y coucher quand on veut (elles sont toujours en place, contrairement aux deux autres...). En gros, pas grand monde ne veut des places du milieu !

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Pour terminer, un petit mot sur la vie dans les trains. C'est quelque chose d'assez fabuleux... Entre les mendiants qui passent dans les wagons à l'arrêt du train dans les grandes gares, le personnel d'entretien qui avance en canard une balayette à la main, les vendeurs de thé (Chaï) qui déambulent aussi bien dans les wagons que sur le quai en criant, les passagers qui passent, les gamins qui pleurent, les vendeurs de chaînes et de cadenas, la ruée vers les bornes de « drinking water » (peut on vraiment traduire par eau « potable » ?!) à chaque arrêt du train, ce cordonnier qui réparaient les fermetures éclairs des bagages d'un voyageur dans notre compartiment, ça mange, ça dort, ça rote, ça écoute de la musique bollywoodienne sur le portable, ça discute, ça joue au carte... C'est vivant, mais finalement pas oppressant : on est là, assis en spectateur, à s'amuser de tout ce petit cirque, comme les autres passagers s'amusent de notre présence à leurs côtés. Un voyage dans le voyage, pas trop rapide ni trop pénible... On s'en délecte, on en redemande...

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Pour conclure, voyager en train est vraiment une excellente option au regard du prix, du confort et de la fréquence des trains. On s'est régalé, même si on regrette à posteriori d'avoir pris un trajet (long, certes) en AC1, trop cher par rapport au gain de confort... Alterner entre Sleeper et AC3 paraît une bonne solution en fonction des conditions météo et des temps de trajet. Les plus durs au mal se satisferont de la General class, pas plus « authentique » que la sleeper class, mais encore moins chère...

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Voili voilou, vous savez (presque) tout. On espère que ces infos serviront, à vous ou à d'autres (mais on espère quand même à vous, petits veinards !). Vous aurez bien droit à votre article sur Hong Kong, à la va-vite, avant de pouvoir nous rejoindre en Nouvelle-Zélande, pour vous rafraîchir les idées et oublier pour quelques semaines le sentiment de peur d'une explosion nucléaire, dans un pays qui se veut résolument antinucléaire...

Bises

A et M